Cette profusion de gourmandise, composée de gâteaux aux coeurs coulants et autres fourrages généreux, n'a rien d'étonnante en soi. Ce qui l'est plus, ce sont les prix pratiqués : 7 euros 50 le petit gâteau, pesant moins de 100g, une tarification qui semblait jusqu'alors inatteignable sur de tels emplacements.

De quoi susciter auprès d'un jeune public un certain émoi, ces produits répondant aux nouveaux standards portés par les réseaux sociaux. Sur Instagram, cet établissement est bien plus célèbre que ne le laisserait présager sa façade : la Boulangerie W&M rassemble plus de 136 000 abonnés -sans garantie sur la véracité de l'ensemble des utilisateurs- sur cette plateforme.

Pourtant, cela ne pose aucun problème : au delà d'un plaisir éphémère, la clientèle achète là une part de rêve et un sentiment d'appartenance à des populations aisées, qui peuvent se permettre de faire la queue de longues minutes à Paris sur l'avenue de l'Opéra et débourser plus de 15 euros pour une pièce individuelle signée Cédric Grolet. Les gâteaux deviennent ainsi de véritables faits sociaux. Si le phénomène est très générationnel, il touche également un public plus âgé. Ils utilisent ces produits de la même façon, mais cette fois pour affirmer leur réussite et leur intégration dans des classes sociales supérieures.

Le fait d'apporter des gâteaux "raffinés" est devenu un signe extérieur de richesse.

Du point de vue des artisans, c'est une opportunité assez inédite d'augmenter sensiblement la propension à payer de leur clientèle, tout en faisant progresser virtuellement le standing de leur établissement. Plusieurs l'ont bien compris et communiquent abondamment sur les réseaux sociaux pour valoriser ces produits, qui partagent en définitive une très lointaine parenté avec les originaux (puisque les gâteaux en trompe l'oeil sont moulés et non sculptés, ce qui réduit considérablement le travail nécessaire).

Flan, cookies garnis, ... le visage de l'offre produit est dicté par les tendances des réseaux sociaux et non par les choix de l'artisan. Le risque étant, à terme, d'observer une grande uniformité de la proposition au sein de ce type d'établissement.

Au delà des considérations économiques, cette importance de l'aspect visuel met de côté plusieurs des sujets pris en considération par une partie des professionnels de la filière : sélection des matières premières, mise en oeuvre de recettes plus responsables (suppression des colorants et additifs, respect de la saisonnalité, notamment)... mais aussi orientation vers des produits plus simples, durables et centrés sur le goût. C'est un phénomène de polarisation qui se dessine à l'échelle de la création sucrée, comme c'est déjà le cas de façon générale dans le secteur de l'alimentation, pour des raisons différentes.